Italiano [English below]

 

Hervé Fischer, artista e filosofo, mi ha invitato a compiere una riflessione sull’argomento “Art vs Société: l’art doit changer le monde” da pubblicare in un dossier nel magazine M@GM@ – Revue internationale en Sciences Humaines et Sociales (ISSN 1721-9809). Avevo incontrato Hervé molti anni fa, nel 2007 a Praga, in occasione della prima edizione di Mutamorphosis, un evento sulle relazioni tra forme espressive e discipline scientifiche che aveva convolto in mostre e conferenze molto interessanti il mondo internazionale degli attori in questo campo: artisti, teorici, ricercatori…, evento del quale ho trovato alcune fotografie che ci riprendono insieme.

L’argomento “Art vs Société: l’art doit changer le monde” si prestava bene a una serie di riflessioni che stavo compiendo in quel momento, dunque ho accettato volentieri l’invito di Hervé e ho scritto il testo “L’arte oltre l’umanesimo”. Il testo, tradotto in francese in “L’art au-delà de l’humanisme”, è stato pubblicato nel numero 3 del 2020 del magazine, e devo ringraziare Hervé sia per l’ottima traduzione che ha fatto personalmente, sia per l’immagine che ha inserito per accompagnare il mio testo. A breve ne pubblicherò anche la versione in italiano. Al dossier, in lingua francese, fruibile e scaricabile online, hanno partecipato vari autori da prospettive diverse, in ambito internazionale. È possibile scaricare il numero completo del magazine qui in PDF oppure qui in html o qui.

English

Hervé Fischer, artist and philosopher, invited me to reflect on the topic “Art vs Société: the art doit changer le monde” to be published in a dossier in the magazine M@GM@ – Revue internationale en Sciences Humaines et Sociales (ISSN 1721-9809). I met Hervé many years ago, in 2007 in Prague, on the occasion of the first edition of Mutamorphosis, an event on the relationship between expressive forms and scientific disciplines that involved in very interesting exhibitions and conferences the international world of actors in the field: artists, theorists, researchers, journalists.. I found some photographs of the event that take us together.

The topic “Art vs Société: the art doit changer le monde” lent itself well to a series of reflections that I was making at that moment, so I gladly accepted Hervé’s invitation and wrote the text “Art beyond humanism”. The text, translated into French in “L’art au-delà de l’humanisme”, was published in the n. 3, 2020, of the magazine, and I have to thank Hervé both for the very accurate translation he personally did and for the image it accompanied my text. Soon I will also publish the Italian version. Various authors from different perspectives, internationally, participated in the dossier, in French, accessible and downloadable online. You can download the complete issue of the magazine from here in PDF, here in html or here.

Dal testo di Hervé Fischer nel sommario / From the text by Hervé Fischer in the summary:

L’art doit changer le monde
Hervé Fischer – France et Canada

 

L’art a pu être une célébration ou un divertissement pour les fêtes aristocratiques, bourgeoises ou populaires. Mais dans les sociétés « premières », c’était avant tout un rituel sacré multimédia de solidarité tribale et de communication avec les esprits. Des règles strictes excluaient toute esbroufe ou tricherie. C’est demeuré vrai dans l’art iconique religieux. Mais depuis l’exposition à Paris en 1882 des Arts incohérents, le mouvement Dada et l’Urinoir de Marcel Duchamp en 1917, c’est la liberté d’expression de l’art qui est devenue sacrée. Et plus que jamais individualiste. Cette liberté inclut depuis Les horreurs de la guerre de Goya et les gravures des caricaturistes à la Daumier au XIXe siècle un droit de contestation sociale qui était exclu par le statut traditionnel de courtisans des artistes en quête de commandes pour créer. Aujourd’hui, les arts visuels se partagent entre l’art ordinaire des galeries commerciales touristiques, l’art des artistes audacieux sans galerie ni marché pour assurer leur subsistance, et l’art comme produit financier de spéculation des courtisans du capitalisme au pouvoir. C’est à partir de ce constat désolant qu’on pourra comprendre les propos qui suivent.

Un estratto del mio testo, disponibile online / An excerpt of my text, available online:

I. Réflexions sur l’art

1.1 L’art comme différence

 

Si l’on réfléchit bien à toutes les formes d’art, on doit admettre qu’il est légitime qu’elles s’expriment sous une forme ou une autre de contraste face aux sociétés de leur temps, dont elles sont issues, même lorsqu’elles les célèbrent. Cela devient surtout évident à partir du romantisme, lorsque l’artiste s’éloigne de la figure de l’artisan pour exprimer sa propre individualité et son point de vue d’une manière de plus en plus indépendante et retentissante : c’est la nature même de l’art. Même lorsque l’expression artistique est encadrée par des canons académiques stricts, plus ou moins consciemment historicisés, ou limitée par le contrôle économique ou politique, ou enfermée dans les soi-disant « arts officiels », elle tend à se positionner dans un rapport contrasté avec son époque. De même que l’information – dont il est en fait un sous-ensemble particulier -, l’art dans le monde occidental trouve sa raison d’être dans la différence, dans la « déviation de la norme » : il nous intéresse parce qu’il ne se limite pas à reproduire, mais met en évidence d’une manière plus ou moins « ambiguë et autoréflexive » *** par rapport aux autres formes symboliques, ce qui est caché, ce qui ne peut être vu, ce qui ne peut être apprécié par les sens, ce qui est au-delà de l’humain, ce qui ne peut être qu’imaginé, ce qui est idéal ou inaccessible (avec toutes les implications du « sublime »), etc. L’art étonne donc, au sens étymologique d’étonner, de stupéfier, d’étourdir, parce qu’il projette cette différence, cette fêlure, cette altérité sur la normalité.

Redécouvrir, reconnaître et valoriser la différence a toujours été un fondement de l’art, qui s’exprime idéalement, souvent consciemment et ouvertement, contre l’idée d’une réalité homogène et indifférenciée (sans différences). L’art a toujours été idéalement, et souvent consciemment et ouvertement, opposé à l’idée d’une réalité homogène et indifférenciée (sans différences), jouant en fait un rôle plus important que le rôle symbolique, esthétique et social qui lui est communément attribué.

Dans un merveilleux scénario de « convergence culturelle », l’art contribue à montrer, de manière claire et évidente, ce que d’autres disciplines dans différents domaines ont aussi souligné : le moteur de l’existant n’est pas l’« égal » mais le « différent », la différence. Il en est ainsi de l’information, de la culture, de la créativité, de la sexualité, de la biologie, de la génétique et, plus largement que la dimension humaine, de l’évolution. Il s’ensuit qu’en fondant sa recherche sur la différence, l’art prend inévitablement une importance sociale et politique cruciale. En d’autres termes, le « nouveau », l’innovation, éléments inséparables de la création artistique, ne résident pas dans la fiction brillante et persuasive de la consommation de masse, dans le pouvoir de contrôle des médias et de la technologie, dans les miracles de l’économie de la répétition, dans une exégèse triomphante de l’égal, dans l’obsession de l’idée de progrès,2 comme le voudrait la vulgate contemporaine. Le « nouveau » réside dans les territoires incertains et rudes des contaminations, des transformations, des exceptions, des révolutions et c’est là qu’il y a la plus grande probabilité de genèse du nouveau, car le nouveau naît toujours d’une certaine lacération, d’une certaine rupture d’équilibre, d’une certaine discontinuité. Dans le domaine purement humain, le « nouveau » émerge des contradictions, de l’inattendu, de la rupture des règles, de la marginalité, de la désolation… Le nouveau, en bref, ne naît pas de l’égal mais du différent, de la différence.

Dans le monde contemporain, la différence est fondamentale pour s’imaginer dans le présent et pour se projeter dans l’avenir avec une conscience plus globale et en même temps locale, générale et contingente, cultivée et collaborative, attentive à l’altérité et à la diversité. L’art est un indice qui pointe vers un monde possible et différent, tout en montrant et en stigmatisant les limites – égoïsme, opacité, insuffisance, misère… – de l’anthropocentrisme.

*** Roman Jakobson, “Linguistica e Poetica”, in Saggi di linguistica generale, Milan, Feltrinelli, 1963.

 

Il testo integrale, in lingua francese, è online qui e qui in PDF. A breve ne farò una traduzione in italiano / The full text, in French, is online here and here in PDF. Soon I will make a translation into Italian.